ALPHA BLONDY ET THE SOLAR SYSTEM – Eternity
À peine rentré de son pèlerinage à La Mecque, Alpha retourne au studio et commence à enregistrer le morceau qui donnera son titre à l’album : « Eternity ».
D’ailleurs, l’artiste ouvre l’album avec « Eternity (Le Chant Du Pèlerin) », un morceau reggae aérien qui laisse présager de la tonalité de l’album.
Un reggae lourd et implacable, à la manière puissamment mystique d’un soleil oasien, nous plonge dans un rythme lent et pesant.
Une basse énorme et un arrangement à l’orientale soutiennent un texte inspiré par cette prière, le Talbiya, que doivent réciter les pèlerins en se dirigeant vers la Kaaba. Chaque mesure est imprégnée de ce pas, emprunt de spiritualité, vers la pierre noire.
« C’est mystique. Quand on va à La Mecque, tout le monde est tenu de réciter ce chant », explique Alpha. « Quand j’y suis allé et que j’ai vu ces milliers de personnes converger vers la même direction en chantant ce refrain, ça m’a donné l’idée de cette chanson, que j’ai écrite en anglais et en dioula. »
Love Power (feat. Stonebwoy)
« Love Power » est le deuxième single de l’album. Le titre est accrocheur, avec un début innocemment puissant entre la voix du fils d’Alpha Blondy âgé de 2 ans et le vibrant « Power ! » de Stonebwoy, l’étoile montante du dancehall ghanéen. Une participation totalement en phase avec le style résolument moderne et original de ce nouvel album.
Un improbable trio qui diffuse un message fort et authentique sur un reggae roots avec une basse captivante et ensorcelante : « When the power of love/Will overcome the love of power/There will be peace [Quand le pouvoir de l’amour/vaincra l’amour du pouvoir,/alors ce sera la paix] ».
Et comment s’est faite cette brillante collaboration entre la légende du reggae Alpha Blondy et le diamant du dancehall made in Ghana Stonebwoy ?
« Il était en Côte d’Ivoire pour la promo d’une chanson qu’il avait interprété avec Sean Paul en Jamaïque. Il est passé sur Alpha Blondy FM, et il a souhaité me rencontrer. Il est venu en studio
quand je travaillais sur “Love Power”, et il a aimé ». Une chanson festive, sensuelle et percutante qui prône le pouvoir de l’amour contre l’amour du pouvoir, trois générations qui se retrouvent sur une rythmique reggae.
Koun faya koun
C’est dans la beauté du fou rire d’un bébé que commence « Koun faya koun » quand Dieu dit « Soit » tout se réalise (et la Lumière fut). Partisan de la loi de l’attraction ou de la pensée créatrice, le reggaeman nous dit que la parole est vivante et que l’univers est à l’écoute. Les violons, les flûtes traversières ainsi que le son rare du handpan de la japonaise Yuki Koshimoto mêlés à un rythme enjoué habillent ce titre.
Layiri (Le serment) [feat. Sidiki Diabaté]
Une introduction d’un sampling d’un titre de Double Barrel concoctée au moment du mix, avec son fidèle Dennis Bovell, annonce le superbe titre « LAYIRI (Le Serment) » en dioula. Un morceau « familial » puisqu’on y retrouve la magnifique voix griottique du jeune Sidiki Diabaté accompagné de son père, et virtuose de la kora, Toumani Diabaté. Le trio fustige ceux qui n’ont pas de parole.
Un nouvel exemple de ce mix africano-jamaïcain qu’Alpha maitrise à la perfection.
Have You Ever Seen The Rain
« Have You Ever Seen The Rain » de Creedence Clearwater Revival constitue la première reprise surprenante de ce double album. Alpha Blondy nous gratifie d’une interprétation colorée, aux accents reggae rock dynamiques et efficaces avec ses belles parties de guitare maitrisées à la perfection.
« Dans notre groupe de rock au lycée on aimait et jouait cette chanson sans vraiment comprendre et maintenant que je sais ce que ça veut dire, j’ai eu envie d’actualiser les souvenirs du passé à la sauce reggae », explique-t-il.
Pompier pyromane
« Pompier pyromane » constitue le premier single créé pour l’album, la première lucarne musicale qu’Alpha Blondy a choisi pour faire découvrir Eternity. Sortie la semaine du début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine le 6 mars 2022, ce morceau, composé 3 ans avant, a des allures de prophétie.
« J’étais déjà en colère par rapport à l’ONU qui ne joue pas son rôle, j’avais envie de pousser ce cri du cœur », affirme-t-il. « Ça coïncide tellement avec ce qui se passe actuellement entre la Russie et l’Ukraine qu’on a l’impression que ça a été conçu pour ça. »
Dans ce titre, Alpha Blondy réitère sa volonté de promouvoir la paix à travers le monde.
« Pompier pyromane » est un titre anti-guerre qui dénonce la manipulation des masses et tous ceux qui, hypocritement, prétendent résoudre des conflits qu’ils ont volontairement créés et dont ils profitent.
D’ailleurs le clip se termine par cette citation de H. G Wells: « If we don’t end war, war will end us.[Si nous ne mettons pas un terme à la guerre, la guerre mettra un terme à l’humanite] »
Petit palabre
En tant que conseiller, Alpha Blondy chante qu’il n’y a pas de petite dispute, qu’il ne faut pas laisser une petite discorde créer une grande rupture. Tout ça, sur des arrangements puissants et une intervention en solo de son guitariste Djul qui fait preuve de dextérité et de virtuosité.
Un petit bijou chanté en dioula marié à des arrangements flamboyants.
Grand Bassam
En route pour Grand Bassam ! L’artiste réadapte à la sauce 2022 le titre de l’album Grand Bassam Zion Rock, un rythme ralenti qui sied mieux au reggae roots de l’artiste.
Excision
Fidèle à son esprit rebelle et contestataire, les prises de position d’Alpha Blondy font de lui un personnage public incontournable quand il s’agit d’évoquer la situation de son pays ou de l’Afrique. Le rastaphilosophe (c’est ainsi qu’il se définit) ne met pas de gants pour dire ce qu’il pense et porter haut la voix des sans voix.
C’est ainsi qu’il aborde sans détour des thèmes polémiques comme dans « Excision », où il condamne cette pratique traditionnelle criminelle, cette violence faite aux femmes, accompagné de la voix magistrale de Clinton Fearon (ancien chanteur des Gladiators).
De passage à Abidjan, son ami n’hésite pas à participer à ce plaidoyer contre cette violence faite aux femmes qu’Alpha écrivit après avoir été traumatisé par l’excision d’une cousine.
African Rebel
Dans sa volonté de signer un reggae progressif, évolutif pour éviter la monotonie, une cornemuse résonne à l’ouverture du disque 2 et transforme le « Soul Rebel » de Bob Marley en « African Rebel ». Une combinaison inattendue qui fonctionne à merveille pour une reprise excellemment réussie.
« J’ai écouté 1700 versions de ce classique, et je voulais que la mienne soit différente », explique-t-il.
Anga teria
« Anga teria » et « Ambe Gnongon nan », deux morceaux purement reggae roots en dioula qui arrivent comme des oasis de fraîcheur au sein de cet album dense.
Dans ce titre Alpha partage un proverbe dioula : « à force de dire “dépêchons-nous”, ça finira par “courons” ! »
Dans la vie il faut y aller doucement. L’excès nuit en tout.
Sunshine in Rwanda
Le reggae lumineux de « Sunshine in Rwanda » voit l’artiste nous inonder de son humanité et de son optimisme.
Lors d’un concert au Rwanda, Alpha Blondy a été invité à visiter le mémorial du génocide. Très touché et profondément attristé, il a voulu apporter de l’espoir et encourager les Rwandais à aller vers la Paix et les aider à atténuer leur douleur.
« Au Rwanda j’ai vu la résilience et le pouvoir de l’amour pour faire renaitre un nouveau pays, plus fort et plus beau », déclare-t-il. « C’est ma profonde admiration qui m’a emmené à mettre en musique le courage des Rwandais. »
Immigrés (La Méditerranée n’a pas pitié)
« Immigrés » adapte de manière surprenante le titre « Children » de Burning Spear avec une voix travaillée sur mesure ainsi qu’une plume à la fois poétique et sincère, qui dénonce le « tombeau d’eau » au fond de la Méditerranée.
Après avoir assisté à un concert de Burning Spear à Central Park en 1976, Alpha Blondy n’a jamais cessé d’admirer le travail de cet artiste.
C’est un peu pour lui rendre hommage qu’Alpha Blondy a fait ce titre.
Ambe Gnongon nan
Ambe Gnongon nan, est un morceau purement Reggae roots en dioula qui apporte une vague de fraîcheur.
Quand quelqu’un te dit « tu me le paieras » ce n’est pas une façon de faire la paix.
Une menace de vengeance ne constitue pas le chemin vers la paix.
Élections présidentielles
C’est sur une note militantiste qu’Alpha Blondy sort « Élections présidentielles » au moment des élections ivoiriennes de 2020.
Alpha Blondy, de sa plume, apporte sa vision sur l’élection présidentielle de son pays à travers son nouveau clip « Élections présidentielles » (ils veulent tous manger). Il met à nu les agissements de la classe politique, en concluant que « Les promesses d’un politicien n’engagent que celui qui y croit. »
New Bahia
Alpha épice ce titre à la sauce brésiliano-africaine en mixant la voix d’une griotte du Mali avec les percussions du groupe Olodum venu spécialement de Salvador de Bahia pour enregistrer à Abidjan dans son studio Meteor.
Épistémicide
Alpha Blondy conclut son album avec « Épistémicide », une mise en musique de discours panafricains, 17 minutes intenses qui poussent à la réflexion et à la reconstruction des personnes africaines.
« Certains pensent que pour réussir dans la vie il faut forcément aller en Europe, que le bonheur est de l’autre côté», explique-t-il. « Voilà pourquoi j’ai choisi de mettre en musique Cheikh Anta Diop, Aminata Traoré et Fatou Diome, que j’aime beaucoup. J’ai pris ces trois personnages pour le message qu’ils portent, ils dénoncent tous la même chose, les Africains qui passent leur temps à se plaindre et les Européens avec leurs complices africains qui continuent à saigner l’Afrique ».